Un soir, ce souvenir me donne le frisson,
Un ami m'a conduit dans la triste maison
Qui recueille, à Paris, les femmes sans asile.
La porte est grande ouverte et l'accès est facile.
Disant un nom, montrant quelque papier qu'elle a,
Toute errante de nuit peut venir frapper là.
On l'interrogera seulement pour la forme.
Sa soupe est chaude ; un lit est prêt pour qu'elle y dorme ;
L'hôtesse qui la fait asseoir au coin du feu,
Respectant son silence, attendra son aveu.
Car on veut ignorer, en lui rendant service,
Si son nom est misère ou si son nom est vice,
Et, dans ce lieu, devant tous les malheurs humains,
On sait fermer les yeux autant qu'ouvrir les mains.
J'ai vu. J'ai pénétré dans la salle commune
Où, muettes, le dos courbé par l'infortune,
Leur morne front chargé de pensers absorbants,
Les femmes attendaient, assises sur des bancs.