Extrait: Quand nous arrivâmes à Carlemont, ce fut, de toute part, une véritable fureur d'enthousiasme. Devant le train qui venait de se vider, ou à peu près, nous restions éblouis. Le pays était célèbre par sa beauté. La plupart d'entre nous s'attendaient au plus splendide spectacle. Eh bien ! l'attente fut dépassée. Tout ce que nous avions sous les yeux était admirable, tout, jusqu'au moindre détail.
D'abord, à quelques pas, la gare. Et quelle gare ! Imaginez une construction affectant la forme exquise d'un gothique pavillon que la main des fées, dont la contrée doit être pleine, aurait brodé à loisir, en le parant des clochetons, des tourelles, des auvents, des terrasses les plus disparates et en même temps les plus gracieux du monde. Il était mille fois plus poète qu'ingénieur, celui qui l'a bâtie, mais, phénomène invraisemblable, un autre poète survint, qui rêva de cacher, sous un manteau de fleurs et de feuillage, la merveille du premier, et réussit ô miracle ! à créer une merveille plus étonnante encore. Invitée ainsi à collaborer, la nature dépensa tout son talent. Des glycines, des vignes vierges, des clématites et des rosiers grimpants en recouvraient entièrement, mais entièrement, entendez-vous ? les façades, les côtés, les saillies et les toits. Autour des gracieuses colonnes qui soutiennent la marquise, s'étalaient les larges feuilles des aristoloches entre lesquelles volubilis et chèvrefeuilles glissaient leurs fleurs. L'éblouissante et robuste végétation avait pris la forme exacte de l'édifice, lui donnant l'aspect d'un palais fleuri, du nid parfumé où s'endorment les Elfes.