Il s'apaisa pourtant, et, d'un air stoïque, se laissa conduire vers le poste
de la rue Descartes. Un flot de monde le suivit. Frédéric et le jeune homme
à moustaches marchaient immédiatement par derrière, pleins d'admiration
pour le commis et révoltés contre la violence du Pouvoir.
À mesure que l'on avançait, la foule devenait moins grosse.
Les sergents de ville, de temps à autre, se retournaient d'un air féroce ;
et les tapageurs n'ayant plus rien à faire, les curieux rien à voir, tous s'en
allaient peu à peu. Des passants, que l'on croisait, considéraient Dussardier
et se livraient tout haut à des commentaires outrageants. Une vieille
femme, sur sa porte, s'écria même qu'il avait volé un pain ; ce?e injustice
augmenta l'irritation des deux amis. Enfin on arriva devant le corps
de garde. Il ne restait qu'une vingtaine de personnes. La vue des soldats
suffit pour les disperser.
Frédéric et son camarade réclamèrent, hardiment, celui qu'on venait
de me?re en prison. Le factionnaire les menaça, s'ils insistaient, de les y
fourrer eux-mêmes. Ils demandèrent le chef du poste, et déclinèrent leur
nom avec leur qualité d'élèves en droit, affirmant que le prisonnier était
leur condisciple.
On les fit entrer dans une pièce toute nue, où quatre bancs s'allongeaient
contre les murs de plâtre, enfumés. Au fond, un guichet s'ouvrit.
Alors parut le robuste visage de Dussardier, qui, dans le désordre de sa
chevelure, avec ses petits yeux francs et son nez carré du bout, rappelait
confusément la physionomie d'un bon chien.
Tu ne nous reconnais pas ? dit Hussonnet.
C'était le nom du jeune homme à moustaches.
Mais, balbutia Dussardier.
Ne fais donc plus l'imbécile, reprit l'autre ; on sait que tu es, comme
nous, élève en droit.