Extrait: Mistress Katy Scudder avait invité mistress Brown, mistress Jones et la femme du diacre Twitchel à prendre le thé chez elle, une après-midi de juin de l'an de grâce 17
Quand on veut raconter une histoire, on est toujours fort embarrassé de savoir comment la commencer. Il s'agit de présenter au lecteur un corps complet de personnages que l'on connait, mais qui lui sont inconnus, et comme une chose en présuppose toujours une autre, il en résulte que, de quelque façon qu'on tourne son canevas, les figures vous paraissent toujours mal disposées. Le simple fait que je viens de mentionner est donc tout aussi propre qu'un autre à me servir d'entrée en matière, puisqu'il vous amènera bien certainement à me dire :Et qu'était-ce, s'il vous plaît, que mitress Katy Scudder ? » Sur quoi me voilà régulièrement embarqué dans mon récit.
Vous saurez donc que dans la petite ville maritime de Newport, dont rien, à cette époque, ne faisait présager la vogue et la splendeur futures, il n'y avait personne qui ne connût la veuve Scudder.
Dans les établissements de la Nouvelle-Angleterre règne la sainte et touchante coutume de conférer à la femme que Dieu a frappée, une sorte de dignité qui rappelle continuellement ses droits au respect et à la considération de la communauté. La veuve Jones, la veuve Brown ou la veuve Smith : c'est là une des institutions permanentes de chaque village du pays, et sans doute cette désignation plaide constamment en faveur de celle que la douleur, semblable à la foudre céleste, a rendue sacrée.