L'image de Georges Meyral semblait traversée de zones brumeuses qui tantôt se rétractaient et tantôt s'élargissaient faiblement ; elle apparaissait moins lumineuse qu'elle n'aurait dû l'être :
C'est inadmissible ! grommela le jeune homme.
Les deux lampes électriques, après examen, se révélèrent normales, et le miroir fut essuyé. Le phénomène persistait. Il persista encore quand Meyral eut remplacé successivement les lampes :
Il est arrivé quelque chose au miroir, à l'électricité ou à moi-même.
Une glace à main révéla des singularités identiques : par suite, le miroir était sans reproche. Pour mettre sa propre vision hors de cause, Georges appela sa bonne à tout faire. Cette créature hagarde, à la face rôtie et aux yeux de pirate, vint examiner sa propre image. D'abord, elle ne remarqua rien, car elle avait presque perdu le sens de la coquetterie, puis, sans avoir subi aucune suggestion, elle déclara :
On dirait qu'y a des raies et puis une petite vapeur.
Mes yeux sont innocents ! grommela Meyral Marianne, apportez-moi une bougie.
Deux minutes plus tard, à la lueur de la bougie, le phénomène se confirmait, aggravé par un épaississement des zones ; il se reproduisit dans les diverses pièces du logis et encore dans l'escalier, éclairé au gaz. Ainsi ni l'électricité, ni la glace, ni les yeux de Meyral ne pouvaient être soupçonnés de quelque anomalie qui leur fût particulière. Il fallait recourir à des conjectures plus générales. Elles affluaient. Il était logique de songer d'abord à une singularité de la lumière. Mais qu'est-ce qui prouvait que la perturbation ne s'étendait pas à l'ensemble du milieu ? Et où s'arrêtait ce milieu ? Ce pouvait être la maison, la rue, le faubourg, la ville entière, la France, l'Europe