Les camarades, le lendemain, en se rendant à l'école, apprirent lambeau par lambeau l'histoire du père Zéphirin. Le village, tout entier en rumeur, commentait joyeusement les diverses phases de cette bachique équipée : seul le héros principal, ronflant d'un sommeil d'ivrogne, ignorait encore les dégâts commis dans son ménage et les coups de mine dont sa conduite de la veille avait sapé sa réputation.
Dans la cour de l'école, le groupe des grands, Lebrac au centre, se tordait de rire, chacun racontant très haut, pour que le maître entendît, tout ce qu'il savait des histoires scabreuses qui couraient les rues, et tous insistaient avec force sur les détails salaces et verts : la marmite et le lit. Ceux qui ne disaient rien riaient de toutes leurs dents et leurs yeux orgueilleux luisaient d'un feu vainqueur, car ils songeaient qu'ils avaient tous plus ou moins coopéré à ces équitables et dignes représailles.
Ah ! il pouvait gueuler maintenant, Zéphirin ! Quel respect voulez-vous qu'on porte à un type qui se saoule « si tellement » qu'on le ramasse plein comme une vache dans les fosses à purin de la commune et perd la tramontane à un tel point qu'il en vient à considérer son lit comme une pissotière et à prendre sa marmite pour un pot de chambre.
Seulement, en sourdine, les plus grands, les guerriers importants, sollicitaient des explications et réclamaient des détails. Bientôt tous connurent la part que chacun des huit avait eue dans l'œuvre de vengeance.
Ils surent ainsi que le coup des arrosoirs et celui des allumettes étaient de Camus, Tintin guettant l'arrivée et le signal de Gambette, et que les grosses opérations étaient les fruits de l'imagination de Lebrac.
Le vieux s'apercevrait encore plus tard que le vin restant dans sa bouteille avait un goût de pétrole ; il se demanderait quel cochon de chat avait mis le nez dans son bol de cancoillotte48 et pourquoi ce reste de fricot d'oignons était si salé
Oui, et ce n'était pas tout. Qu'il recommençât seulement pour voir, à em nuyer Lebrac et sa troupe ! et on lui réserverait quéque chose de mieux encore et de plus soigné. Le chef ruminait, en effet, de lui boucher sa cheminée avec de la marne, de lui démonter sa charrette et d'en faire disparaître les roues, de venir lui « râper la tuile »49 tous les soirs pendant huit jours, sans compter le pillage des fruits de son verger et la mise à sac de son potager.
Ce soir, conclut-il, on sera tranquille. Il n'osera pas sortir. D'abord il est tout « beugné » d'avoir piqué des têtes dans les rigoles et puis il a assez de travail chez lui. Quand on a de la besogne chez soi, on ne fourre pas le nez dans celle des autres !
Est-ce qu'on va se remettre encore à poil ? questionna Boulot.
Mais, puisque nous ne serons pas embêtés, fit Lebrac, bien sûr !
C'est que, hasardèrent plusieurs voix mon vieux, tu sais, il ne faisait guère chaud hier au soir, on en était tout « rengremesillé » avant la charge.
J'avais la peau comme une poule déplumée, moi, déclara Tintin, et le zizi qui fondait « si tellement » que y en avait pu.
Et puis les Velrans ne veulent pas venir ce soir. Hier, ils ont trop eu le trac. Ils ne savaient pas ce qui leur arrivait dessus. Ils ont cru qu'on tombait de la lune.
Ce n'était pas ce qui manquait, les lunes, remarqua La Crique.
Sûrement que ce soir ils vont muser à ce qu'ils pourraient bien trouver et on en serait pour se moisir là-bas, sur place !
Si Bédouin ne vient pas ce soir, il peut venir quelqu'un d'autre (il a dû blaguer chez Fricot) et on risque bien plus encore de se faire piger ; tout le monde n'est pas aussi décati que le garde !
Et puis, nom de Dieu ! non ! je ne me bats plus à poil, articula Guerreuillas, levant carrément l'étendard de la révolte ou tout au moins de la protestation irréductible.
Chose grave ! Il fut appuyé par de très nombreux camarades qui s'en étaient tou