Il est, dans les instans que Dieu lui fit, un âge
Où l'homme de génie au cœur sent un orage.
C'est l'âge où règne en lui ce tumulte confus
D'inutiles efforts et de vœux superflus ;
Où de vagues soucis son ame est agitée ;
Où des rêves sans fin tourmentent sa pensée ;
Où de son œil ardent, sans pouvoir le saisir,
Il sonde et sonde encor le douteux avenir.
Cet âge où bout la sève ; où, plein d'un feu qui couve,
Comme un être sans but, il cherche sans qu'il trouve ;
Cet âge où rien, enfin, n'est encor de ses mains
Sorti, pour attester sa puissance aux humains.
Il brûle. Il sent en lui qu'il a son œuvre à faire
Et rien ne vient du Ciel pour l'aider sur la terre !
Il a beau l'implorer ; sourd, sourd à ses accens :
Ses jours vont s'écouler vides et languissans.
Lui ! fort et généreux ! lui ! dont l'ame affamée
Ne veut, pour se nourrir, que gloire et renommée !
Lui qui verrait son sang couler sans l'arrêter
Si son œuvre, à ce prix, se pouvait acheter !