C'est un bout de phrase de Loti. Quelle musique ensorcelante, quel irrésistible charme nostalgique est en lui, qu'il suffit à Isabelle Eberhardt de l'entendre une fois devant les terrasses du Salève pour apercevoir dans un éclair toute sa destinée !
Et moi-même je me rappelle
Midi. Le Gouverneur-Général-Chanzy a mis ses machines en marche : les navires voisins, les quais, les jetées se déplacent doucement ; Pomègue, Ratoneau glissent vers nous au ralenti, comme sur l'écran. Il ne pleut plus, il ne vente plus. Détente sur la mer et dans le ciel. Mais quoi ! Par ce mélancolique après-midi de janvier, sur cette mer couleur de taupe, sous ce ciel gris de souris, je pourrais me croire tout aussi bien en plein Four. Et Notre-Dame-de-la-Garde, là-haut dans la nue, tout son or éteint, pourrait bien être une autre pointe Saint-Mathieu
Quelques tours d'hélice, le temps de déjeuner : on ne voit plus rien, rien que la mer, monotone et nue, et, dans l'écume de notre sillage, le neigeux et criard tourbillon des mouettes voraces qui nous suivent depuis Marseille. Et ce sera ainsi jusqu'au lendemain ; mais, dans la nuit, les mouettes nous quitteront.