La taverne d'Orsini à la porte Saint-Honoré, vue à l'intérieur. Une douzaine de manants et ouvriers à des tables à droite du spectateur ;
à une table isolée, Philippe d'Aulnay écrivant sur parchemin : il a près de lui un pot de vin et un gobelet.
Scène PREMIÈRE.
PHILIPPE D'AULNAY, RICHARD, SIMON, JEHAN, manants, puis ORSINI.
RICHARD, se levant.
Ohé ! maître Orsini, notre hôte, tavernier du diable, double empoisonneur ! il paraît qu'il faut te donner tous tes noms ayant que tu ne répondes.
ORSINI.
Que voulez-vous ? du vin ?
SIMON, se levant.
Merci, nous en avons encore ; c'est Richard le çavatier qui veut savoir combien ton patron, Satan, a reçu d'âmes ce matin !
RICHARD.
Ou, pour parler plus chrétiennement, combien on a relevé de cadavres sur le bord de la Seine, depuis la tour de Nesle jusqu'aux Bons-Hommes.
ORSINI.
Trois.
RICHARD.
C'est le compte ! et tous trois, sans doute, nobles, jeunes et beaux ?
ORSINI.
Tous trois nobles, jeunes et beaux.
RICHARD.
C'est l'habitude. Étrangers tous trois à la bonne ville de Paris ?
ORSINI.
Arrivés tous trois depuis la huitaine.
RICHARD.
C'est la règle ; du moins ce fléau-là a cela de bon qu'il est tout le contraire de la peste et de la royauté : il tombe sur les gentilshommes et épargne les manants. Cela console de la taxe et de la corvée. Merci, tavernier ; c'est tout ce qu'on voulait de toi, à moins qu'en ta qualité d'Italien et de sorcier, tu ne veuilles nous dire quel est le vampire qui a besoin de tant de sang jeune et chaud pour empêcher le sien de vieillir et de se figer ?