La clinique

Une Noire, elle ? Les traits quasi scandinaves, elle ressemblait à une petite princesse de légende surgie du lac Vetter, ou bien du large d'Helsinbörg, et qu'on aurait, par jeu ou pour quelque Carnaval dément, passée au brou de noix. Un corps de soie voilé de fumée, elle allait et venait devant le médecin raté que prête à l'examen, mais c'était elle qui m'étudiait... Une sorte d'héroïne de Bergmann à la peau de bronze, une surnaturelle et inquiétante petite sauvageonne australienne des lointains Gibsons, et que j'allais devoir... blanchir ! Cela tenait du canular, de la supercherie ; de l'escroquerie géante aussi... Car la Clinique était bel et bien là, et les laboratoires Shore Inc. avaient bien fait les choses : luxe écrasant, 30 chambres de palace, une armée de soignants et d'infirmières ; un établissement d'au bas mot 2 millions de dollars ! Juste pour « blanchir » Dorée ? Voire... Déjà, en tout cas, le Surgeon général des États-Unis et, derrière lui, le ministère de la Santé, méfiants, s'intéressaient de près à nous. Déjà, à Harlem, l'effervescence régnait, Noires à Continental, à Cadillac et à visons, arrachant de haute lutte, à coups de milliers de dollars, aux riches prostituées bagarreuses véhémentes, et aux petites dactylos pleurnichardes, les droits d'inscription dans la miraculeuse clinique. Il n'y avait que nous deux, Dorée et moi, à demeurer calmes. Moi, docteur dermatologue, honteusement chassé de France ; elle peut-être parce qu'elle était vraiment de bronze, nous attendant tous au tournant...

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