La Femme et le Manuscrit est le roman du « roman rentré », de cette aventure qui précède, pour le futur écrivain, l'aventure de sa première publication, et qui dure parfois toute une vie... Ce bref récit a, tout ensemble, un ton de confidence et de divertissement ; il rend compte, en outre, de ce phénomène général et cocasse à force de généralité : toute la France écrit des romans. Et quand je dis « toute la France », c'est « toutes les Françaises » qu'il faudrait lire. Je suis bien placée pour le penser... Le bovarysme est de tous les temps (des temps bourgeois en tout cas) mais aujourd'hui Emma tape à la machine et elle a lu Le Deuxième Sexe. Pourtant, la narratrice de ce petit livre n'est pas une Emma. Ou du moins elle est une Emma consciente : à la voix sentimentale, satisfaite et un peu niaise d'Emma elle substitue souvent une voix sarcastique, presque impitoyable (pas tout à fait). Bien sûr l'écriture celle surtout à laquelle se livrent les femmes est une manière de maladie. C'est ce que Jeanne Cressanges nous démontre avec de la délicatesse et un peu de complaisant humour. Complaisant : elle est une malade de cette maladie, ne l'oublions pas... En tout cas elle ne semble pas destinée à guérir. Elle écrira donc d'autres livres ; nous les attendons avec curiosité, car ce n'est pas si commun d'entrer dans la carrière en commençant par cette impudence, ces aveux, cette méchanceté envers soi-même.