Et comme Jephté venait à Mitspa, en sa maison, voici, sa fille sortit au-devant de lui en dansant au son du tambourin
Et, sitôt qu'il l'eut aperçue, il déchira ses vêtements et dit : « Ah ! ma fille, tu m'accables et tu es du nombre de ceux qui me troublent, car j'ai fait un vœu à l'Eternel et je ne puis le révoquer ».
Et elle lui répondit : « Mon père, as-tu fait un vœu à l'Eternel ? Fais-moi selon ce qui est sorti de ta bouche puisque l'Eternel t'a vengé de tes ennemis, les enfants d'Ammon ».
Puis elle dit à son père : « Accorde-moi ceci : laisse-moi pendant deux mois, je m'en irai sur les montagnes et je pleurerai ma virginité, moi et mes compagnes, et il dit : « Va ! »
Je la relirai tous les jours de ma vie cette page de la Bible que ma tante, Mère Agnès de Sainte Thècle, a copiée pour moi. Je veux fixer ici les paroles qu'elle m'a adressées en se séparant de moi : puissent-elles ne jamais sortir de ma mémoire : « Ma fille, me dit-elle, les malheurs du temps ne nous permettent pas de vous admettre à prendre le voile dans cette sainte maison qui a reçu du Seigneur cette grâce insigne d'être sans cesse en proie à la persécution. Cependant les motifs qui vous poussaient à embrasser l'état religieux sont toujours aussi forts et les obstacles, les difficultés, bien loin de l'affaiblir, doivent fortifier votre vocation religieuse.
Comme Jephté, votre père, mon cher neveu que j'aime comme un fils en Notre-Seigneur, a triomphé de ses ennemis, les enfants d'Ammon, je veux dire de la vaine gloire et de l'orgueil de l'esprit. A vous, sa fille, victime très pure, l'honneur d'être offerte en holocauste à Dieu pour sa rançon. Les voies du Seigneur sont impénétrables ; qui sait si, au moment des plus grands égarements de votre père, quand il se complaisait dans la peinture des funestes enchantements de la passion, Dieu n'acceptait pas par anticipation pour la rançon de son âme le don que vous deviez lui faire de votre virginité ? Comme Jephté à sa fille, je vous dis donc : Allez, mon enfant ; Port-Royal ne peut vous accueillir ; mais le Seigneur vous a choisie pour épouse ; restez fidèle à votre vocation. Mettez à profit ces jours de répit pour obtenir des lumières de son Esprit Saint la connaissance de la retraite où doit se consommer votre sacrifice ».
O Seigneur, vous m'avez appelée, moi, indigne, je vous redis encore : me voici !