je suis redescendue sur
la terre, légère comme la gou?e de rosée ; j'ai jeté mon ombre céleste et
odoriférante, sur les allées pleines de souvenirs ; j'ai joué avec les rayons
du soleil et avec les vagues de la mer ; et tout cela, c'était le jour ; et quelle
nuit a couronné ce jour ! Il fallait s'étonner en voyant comme peu à peu
s'allumait l'illumination ; il semblait qu'un doigt de feu dessinât de merveilleux
dessins sur le voile noir de la nuit ; elle s'épanouissait en fleurs,
s'arrondissait en roue, rampait en serpent, et, tout à coup, voilà que tout
le jardin fut en feu. Tu eusses dit, ma chère, que le soleil était tombé du
ciel sur la terre et s'y était éparpillé en étincelles ; les flammes avaient
entouré les arbres, mis des couronnes d'étoiles aux pièces d'eau ; les fontaines
étaient des volcans et les montagnes des mines d'or ; les canaux
et les bassins s'en imbibaient avidement, reproduisaient les dessins et
les doublaient ; et arbres, pièces d'eau, fontaines, montagnes, canaux et
bassins semblaient rouler un immense incendie. Les clameurs du peuple,
jointes au bruit des cascades et au frémissement des arbres, vivifiaient
ce splendide spectacle par leur majestueuse harmonie : c'était la voix de
Circé, c'était le chant des sirènes...