Les fées représentent une forme de l'imagination humaine. Elles sont les mystérieuses filles du vague et du caprice. Mystérieuses, elles le sont à tel point que rien n'est plus difficile à déterminer que leur origine. Ouvrez les livres qui leur ont été consacrés : vous trouverez des suppositions, des analogies, des conjectures ; mais pas plus de précision que dans les brumes d'automne, dont ces héroïnes ont la grâce flottante.
Aussi pourquoi songeriez-vous que l'on pût emprisonner une légende de fées dans une armature de dates ? Elles appartiennent d'abord uniquement à cette immense histoire anonyme et quotidienne que personne ne songe à dater, pas plus qu'à écrire, et qui serait pourtant si passionnante à deviner, à ressaisir en quelques-unes de ses parcelles. Qui donc aurait noté la vision de l'aurore qu'eurent, un matin préhistorique, des bergers perdus dans l'immensité du plateau de l'Asie centrale ? Ou la craintive émotion qu'éprouva quelque voyageur cheminant à travers une forêt celtique, parce qu'un rayon de lune faisait, entre les feuillages, scintiller l'eau d'une petite source ? Ou l'anxiété d'un homme errant au sein d'une plaine infinie, et cherchant sa route dans les étoiles, semées comme les cailloux du Petit-Poucet ? Mais toutes ces minutes oubliées, qu'une poésie latente au fond de l'âme humaine, et jaillissant, sous l'influence de l'espoir ou de la terreur, avec la grâce des sources sauvages, a transformées en perles merveilleuses, sont allées grossir les trésors du « royaume de féerie ».
Les fées n'existent point, mais il existe chez l'homme un esprit féerique.
Lucie Félix-Faure Goyau, nom de plume de Lucie Faure-Goyau, née Lucie Faure le 4 mai 1866 à Amboise et morte le 22 juin 1913 à Paris 16e, est une femme de lettres française. Jurée du premier prix Femina, très cultivée, elle lit le latin, le grec, l'anglais ; elle voyage beaucoup et apprécie les œuvres d'art.