Quoi de plus difficile que de faire un choix quand l'avenir n'a aucun secret pour vous ?
Loue T2, vue mer, prox. Plage, lign. Drct. ctr ville Ch. Salon, kitch. Équip. Libre im. à la loc. 450 cruz + charges.
Phil replia la page du journal sur laquelle figurait l'annonce et jeta un coup d'oeil à sa montre. 12 h 50. Son rendez-vous était à treize heures. Il avait prévu large ses dix minutes d'avance auxquelles il faudrait immanquablement rajouter les dix de retard de l'employée de l'agence immobilière. Cette dernière chose, il ne l'avait sue formellement qu'en arrivant dans la rue, en s'imprégnant de l'avenir qui s'y déroulerait (en effleurant les murs qui la bordaient, en humant profondément l'air marin qui s'y engouffrait, comme il le faisait à longueur d'année afin d'éviter les surprises) mais il s'en était néanmoins douté, comme tout un chacun l'aurait fait. Ces gens-là sont toujours en retard. Cela dit cette fille serait tellement belle du moins espérait-il ne pas se tromper, qu'il n'était pas mécontent de patienter pour elle. Et pour l'appartement, duquel il espérait beaucoup.
(...)
Adossé au mur, Phil laissa ses impressions précogs escamoter la réalité présente. Il vit bientôt dans la pièce, en plus de ce qui était présent sous les yeux de Lorenn (c'est-à-dire rien du tout car l'appartement était comme une boîte vide), une série de bibelots fluos disposés sur une grande étagère en plexiglas. De nombreux détails lui échappèrent, mais il remarqua des cadres fantaisie, entourant bien souvent des photos de lui-même et d'une jolie blonde souriante Carole, son épouse.
Épouse ?
Oui, pas de doute...
Phil se retourna face au mur. Il y posa la joue et entendit la voix de Carole. Il se retourna vers le salon et la vit comme si elle avait été présente dans la pièce avec eux. Une jolie fille. Ils partageraient de bons moments. Il le perçut instantanément.
Mais était-ce suffisant ?
(...)
Pourquoi pas ici ?
Parce que soudain l'imprenable vue sur la mer que lui offrait le balcon se troubla et fut progressivement masquée par un imposant mur gris percé de dizaines de fenêtres, ôtant tout attrait à cet appartement. Submergé par cette vision, Phil agrippa le garde-fou pour ne pas basculer. La façade, imposante, d'un tout nouvel immeuble, oscillait en surimpression devant la baie. En quelques secondes, elle boucha complètement la vue. On ne voyait plus une goutte d'eau. Phil sursauta Qu'est-ce que c'est que ça ?
C'était un hôtel quatre étoiles, évidemment. Il secoua la tête, dégoûté. Le futur se résorba. La mer réapparut. Sa vision s'estompa. Elle avait été brève mais claire. Il soupira et se retourna vers le salon. Cette fille, cette sublime Lorenn, devait se montrer plus honnête avec lui !