La camériste disparut, comme elle était entrée, sans bruit, et elle referma
la porte avec des précautions qui dénotaient une grande expérience
des situations scabreuses.
Aux premiers mots significatifs de ce court colloque, Gaston s'était
levé.
C'est le comte Golymine ? demanda-t-il.
Mon Dieu ! oui, répondit Julia. Il m'a écrit ce matin qu'il voulait me
voir avant de qui?er la France il part demain. Je lui ai fait dire que je ne
le recevrais pas, mais je m'a?endais à une incartade de ce genre. Ce sera
la dernière ; je veux en finir ce soir avec lui.
Et moi, je m'en vais, dit Gaston, avec un empressement que madame
d'Orcival remarqua sans doute, car elle reprit froidement :
Si vous cherchez un prétexte pour me qui?er, vous n'aurez pas de
peine à en trouver un de meilleur. Il n'y a plus rien entre le comte et moi,
et je vous prie de rester ici. L'entrevue sera courte, je vous le promets, et
à mon retour, j'aurai une explication avec vous.
Ayant dit, Julia sortit sans laisser à son amant le temps d'ajouter un
seul mot.
Gaston, en ce?e occurrence, manqua de présence d'esprit, mais il faut
avouer qu'il se trouvait dans un cas des plus épineux. Retenir madame
d'Orcival malgré elle, c'eût été ridicule. On ne violente pas une femme.
Partir, c'était impossible. Le boudoir n'avait qu'une issue, et, pour en sortir,
il fallait traverser le salon où le comte a?endait. Passer sous les yeux
d'un rival et lui céder la place, ou bien chercher querelle à ce rival et le
me?re à la porte, Gaston avait à choisir entre ces deux partis, et il aurait
volontiers pris le dernier s'il avait eu affaire à un homme de son monde.
Mais la perspective d'un duel avec ce Slave déclassé ne lui souriait
guère, et c'eût été jouer de malheur que d'être forcé de rompre avec éclat
une liaison qu'il voulait dénouer à l'amiable.