Parbleu ! il me semble que c'est bien simple, répondit le judicieux
mécanicien. Ta femme ne sait rien de ce qui se passe, n'est-ce pas ? Tu ne
lui as jamais parlé de monsieur ?
Non. Ensuite ?
Elle est chez toi, malade hors d'état de sortir. Par conséquent, elle
n'a pu te suivre
Non, cent fois non.
Eh bien, il me semble que si nous allions la voir tous les trois, et si
tu lui disais que monsieur est un camarade à toi, tu connaîtrais bien à sa
figure si
Pardon, monsieur, interrompit Nointel ; je ne sais si votre proposition
serait agréée par M. Crozon, mais moi je refuse absolument de me
soume?re à une épreuve de ce genre. Je trouve au-dessous de ma dignité
de jouer une comédie qui d'ailleurs n'amènerait pas le résultat que vous
espérez. Madame Crozon n'éprouverait aucune émotion en me voyant,
puisque je lui suis absolument inconnu ; mais M. Crozon pourrait croire
qu'elle a dissimulé ses impressions. Ce n'est pas par de tels moyens que
je me propose de le convaincre lorsque je lui aurai donné la leçon qu'il
mérite.
Le capitaine avait manoeuvré avec une habileté rare, et il avait calculé
d'avance la portée de ses discours qui tendaient tous à calmer un furieux
et qui semblaient être débités tout exprès pour l'exaspérer davantage. Le
capitaine connaissait les jaloux, pour les avoir pratiqués, et il s'était dit
que plus il prendrait de haut l'accusation portée contre lui par cet affolé,
plus il aurait de chances de le ramener à la raison. Le pis qui pût lui arriver,
c'était d'être forcé d'aller sur le terrain, et ce?e rencontre ne l'effrayait
pas, car il se croyait à peu près certain de me?re Crozon hors de combat,
et par conséquent hors d'état de tuer sa femme. Il se demandait même s'il
ne valait pas mieux que l'affaire finît ainsi.