Alors, près d'entrer que l'on est dans les mers de sable, on est tout
étonné de voir peu à peu poindre sur la route déjà parcourue des oasis
merveilleuses d'ombre et de verdure, devant lesquelles on a passé non
seulement sans s'arrêter, mais presque sans les voir.
On marchait si vite dans ce temps-là ! On avait si grande hâte d'arriver
où l'on n'arrive jamais au bonheur !
C'est alors que l'on s'aperçoit que l'on a été aveugle et ingrat ; c'est
alors qu'on se dit que, si l'on trouvait encore sur son chemin un de ces
bosquets de verdure, on s'y arrêterait pour le reste de la vie, on y planterait
sa tente pour y terminer ses jours.
Mais, comme le corps ne retourne pas en arrière, c'est la mémoire
seule qui fait ce pieux pèlerinage des premiers jours et qui remonte à
la source de la vie, comme ces barques légères aux voiles blanches qui
remontent le cours des rivières...