les plus surprenants, et qu'on entend les plus mauvais propos ; car si l'on
peut être homme d'esprit et grand joueur d'échecs, comme Legal ; on peut
être aussi un grand joueur d'échecs, et un sot, comme Foubert et Mayot.
Un après-dîner, j'étais là, regardant beaucoup, parlant peu, et écoutant le
moins que je pouvais ; lorsque je fus abordé par un des plus bizarres personnages
de ce pays où Dieu n'en a pas laissé manquer. C'est un composé
de hauteur et de bassesse, de bon sens et de déraison. Il faut que les notions
de l'honnête et du déshonnête soient bien étrangement brouillées
dans sa tête ; car il montre ce que la nature lui a donné de bonnes qualités,
sans ostentation, et ce qu'il en a reçu de mauvaises, sans pudeur. Au
reste il est doué d'une organisation forte, d'une chaleur d'imagination
singulière, et d'une vigueur de poumons peu commune. Si vous le rencontrez
jamais et que son originalité ne vous arrête pas ; ou vous me?rez
vos doigts dans vos oreilles, ou vous vous enfuirez. Dieux, quels terribles
poumons. Rien ne dissemble plus de lui que lui-même. ?elquefois, il est
maigre et hâve, comme un malade au dernier degré de la consomption ; on
compterait ses dents à travers ses joues. On dirait qu'il a passé plusieurs
jours sans manger, ou qu'il sort de la Trappe. Le mois suivant, il est gras
et replet, comme s'il n'avait pas qui?é la table d'un financier, ou qu'il eût
été renfermé dans un couvent de Bernardins. Aujourd'hui, en linge sale,
en culo?e déchirée, couvert de lambeaux, presque sans souliers, il va la
tête basse, il se dérobe, on serait tenté de l'appeler, pour lui donner l'aumône.
Demain, poudré, chaussé, frisé, bien vêtu...