Invisibles, ses mains ; invisibles, aussi ses chaussures, qui devaient
porter les marques laissées par une course sur le macadam boueux du
boulevard Voltaire.
Avait-il imaginé de s'envelopper ainsi pour dérouter la jeune fille qui
venait de lui donner la chasse ? Elle reconnut bientôt que le désir d'échapper
à une reconnaissance n'y était pour rien.
Cet accoutrement était indispensable à Zig-Zag pour exécuter son fameux
tour qui consistait à bondir, avec un élan prodigieux, à tomber perpendiculairement
sur le sommet du crâne, à se reme?re debout par un
saut de carpe et à recommencer ainsi une douzaine de fois de suite.
Le sac l'empêchait de se servir de ses mains et c'était en cela que
consistait la difficulté de ce périlleux exercice, inventé, dit-on, par les
Aïssaoua, ces Arabes enragés qui dévorent des scorpions, du verre et des
feuilles de cactus épineux.
À sauter ainsi, un honnête homme se romprait le cou ; mais Zig-Zag
s'en tirait sans que sa colonne vertébrale en souffrit. Il saluait les spectateurs
qui l'applaudissaient avec frénésie, et il paraissait tout prêt à recommencer.
Camille hésita un instant. Ce clown extraordinaire devait avoir plus
d'un tour dans son répertoire, et avant la fin de la représentation, il allait
sans doute reparaître sous un autre costume qui perme?rait de voir son
visage et ses doigts. Mais elle n'avait pas de temps à perdre. Monistrol
était peut-être blessé, et certainement très inquiet de l'absence prolongée
de sa fille. Il tardait à Camille de le rejoindre, et, sans plus réfléchir, elle se
leva toute droite et elle cria, en étendant le bras vers le sauteur qui restait
immobile pour reprendre haleine :