Une loi qui pose des limites au travail des enfans dans les manufactures et dans les grands ateliers sera long-temps d'une application très difficile en France ; mais nulle part l'observation de ces règles ne doit rencontrer plus d'obstacles qu'à Paris. Dans les villes qui ont une industrie spéciale, telles que Rouen, Lille, Sédan, Mulhouse ou Reims, la difficulté diminue en quelque sorte par sa simplicité même. Lorsque la nature et la durée des travaux sont uniformes pour tous les ouvriers, et lorsque l'émulation des manufacturiers s'exerce dans un seul ordre de combinaisons un règlement industriel devient presque une affaire de famille ; il ne s'agit plus que de savoir quels sacrifices peut s'imposer l'intérêt particulier, soit des parens, soit des maîtres, au profit de cet intérêt général que représente la tutelle de l'état invoquée en faveur de la génération qui est déjà l'espoir et qui doit être un jour la force du pays.
C'est la diversité des industries juxtaposées qui complique le problème. Il faut que la loi les embrasse toutes, sous peine de consacrer une injustice et de donner une prime à celles que son contrôle n'atteint pas ; mais il faut aussi que le législateur, qui ordonne, et l'administration, qui exécute, tiennent compte des conditions attachées à l'exercice de chaque industrie. Telle manufacture admet des restrictions que telle autre ne comporte pas, et, dans certains cas, huit heures de travail fatiguent plus l'ouvrier qu'une journée de douze heures.
A cette variété des arts industriels, qui est infinie à Paris, vient s'ajouter la division des capitaux, et, par conséquent, celle de la production. Les ateliers se multiplient, mais ils se fractionnent ; par leurs dimensions autant que par leur nombre, ils semblent défier le contrôle des pouvoirs publics. Partout où la fabrication agglomère les ouvriers, la discipline, qui s'introduit nécessairement parmi ces masses enrégimentées, facilite au plus haut degré la surveillance. Le moteur mécanique, eau ou vapeur, est en outre un moyen d'ordre puissant. En réglant l'action des machines, on agit indirectement sur les ouvriers qui les desservent ; car la vapeur, intervenant dans le travail de l'homme, a les mêmes effets que la mesure dans le chant.