Jean-Paul appartenait à une famille d'honnêtes bourgeois. Il avait des sœurs, ce qui était très-malheureux pour elles ; mais il n'avait pas de frères, ce qui était très-heureux pour eux.
Jean-Paul était fainéant, gourmand, insolent, taquin, hargneux, peureux, sournois. Je n'en finirais pas si je voulais donner la liste complète de tous les petits défauts qui distinguaient Jean-Paul. C'était l'un des mauvais sujets les mieux conditionnés dont l'histoire des enfants célèbres puisse nous laisser le souvenir. Non pas qu'au fond du cœur il fût essentiellement méchant, ni qu'après avoir fait le mal, il ne fût susceptible de comprendre qu'il avait mal fait, surtout quand on le fouettait pour lui mieux expliquer la chose ; mais s'il était corrigible, ce ne pouvait être qu'avec le temps et par de grandes adversités. On pouvait le comparer à un jeune arbre qui a poussé de travers, et dont la structure faussée a besoin de quelque violent orage pour reprendre un élan naturel.
Nous verrons quelles furent les tempêtes qu'eut à subir Jean-Paul durant ses longues escapades. Tel est le but de cette histoire, que nous avons dû diviser par chapitres, parce qu'il nous a plu ainsi.
L'extérieur de Jean-Paul révélait son caractère désordonné. L'enseigne n'était pas menteuse cette fois. Ses cheveux étaient toujours ébouriffés et parsemés de brins de paille ; ses mains étaient gantées de plusieurs couches de crasse, dont la plus ancienne remontait certainement fort loin dans le long cours des temps ; sa figure était sillonnée de je ne sais quelles balafres d'encre ; ses yeux étaient habituellement pochés, et il était extrêmement rare qu'il se mouchât. Quant à ses vêtements, c'était en vain qu'Humann, ce roi des tailleurs et ce tailleur des rois, les avait confectionnés avec cette grâce, cette élégance, ce bon goût et cette distinction qui ont fait de lui un véritable, un grand artiste : à peine notre héros les avait-il endossés depuis un jour, qu'ils étaient sales, déchirés, mal portés ; sa redingote était veuve de boutons ; son pantalon tenait à peine, en l'absence des bretelles, dont il avait ôté les élastiques pour en faire des projectiles, et d'ordinaire il était terreux à l'endroit du genou. Enfin, ses bas lui retombaient sur les talons, et il ne portait jamais ses souliers qu'en pantoufles.