Les chaussures de Paul étaient couvertes de motifs géométriques faits à l¿emporte-pièce, harmonieusement répartis sur des morceaux de cuir reliés entre eux. La semelle débordait laissant apparaître un pourtour crénelé qu¿une couture serrée, précise unissait au corps du soulier. Émanait de cet assemblage un sentiment de qualité et d¿éternité. Ce qui me fascina encore, ce fut la façon dont elles étaient soignées. Il eut été aisément imaginable qu¿elles fussent vernies, tellement leur lustre demeurait impeccable. J¿ignorais s¿il les inaugurait ou si elles étaient merveilleusement entretenues, mais ce que j¿aperçus par la suite me déconcerta¿ même le dessous de ses chaussures était ciré, brillant. Bien que la matinée s¿avérât pluvieuse et le chemin boueux, ses semelles restaient vierges de toute rayure, de toute poussière. Elles rutilaient comme une paire de souliers neufs sortant à l¿instant de leur emballage. (¿) Quelle monstrueuse vérité était-il obligé de supporter et cacher ? Quels troubles actes sa famille cherchait-elle à dissimuler pour qu¿ils disparaissent ainsi, sans laisser de traces ? Et puis ces « Church's », certainement magiques, qu¿il ne quittait jamais. Ces « Church's », toujours impeccablement entretenues, quelle que soit la situation. Ces « Church's » qui me donnaient l¿impression qu¿elles grandissaient avec ses pieds.