En 1645, en Chine, les Mandchous renversaient par les armes la dynastie des Ming pour s'emparer de l'Empire du Milieu qu'ils devaient gouverner jusqu'en 1911. La ville de Yangzhou, réputée pour son opulence, opposa une résistance à l'avancée des envahisseurs. Ceux-ci firent un exemple : ils se livrèrent à un massacre tel que l'histoire de l'humanité en a peu enregistré dans ses annales. En l'espace de dix jours de carnage, de viols, de pillages et d'incendies, 300 000 personnes auraient été exécutées. Wang Xiuchu, un négociant, survécut à ces heures terribles. Il écrivit à chaud, comme pour en exorciser l'effroi, le récit de ses errances dans la ville vouée à l'enfer. Son texte bref et cinglant nous livre un témoignage sans exemple des violences inouïes endurées par les populations, les sentiments effarés d'un survivant. C'est qu'il appartient avant tout à une littérature qui s'applique, de bien des façons et quoi qu'il en coûte, à restituer à la face des hommes leur propre capacité à la cruauté, sous toutes les latitudes et de tous les temps.