En fin de vie, les Goisneau, couple bancal de Français moyens, font face au vide de leur existence, que leur réussite matérielle et leur consommation de distractions n'ont pas comblé. Leur fragilité narcissique, la glace qui a figé leurs relations avec leurs intimes et la rancune qu'ils nourrissent vis-à-vis de ceux dont ils disent qu'ils les ont abandonnés les a rendus méchants.
Blessant, condamnant, éliminant, faisant autour d'elle des ravages, Madame Goisneau a passé sa vie à faire la guerre et son faible mari a consenti à tout. Au sommet de sa gloire dans les années 70, elle n'a cessé de déplorer sa mésalliance. Son mari, Philippe, n'est qu'un homme maladroit, malchanceux, confus et résigné. Quoiqu'il ne lui fasse concurrence en rien, il lui fait tout de même un peu d'ombre : il entache le rayonnement de son épouse dont l'élégance, la combativité, l'énergie, la mémoire et la personnalité ont toujours fasciné famille et entourage. Comme hypnotisé, on subissait son emprise. Eblouis, aveuglés donc, mais aussi sidérés par son culot, sa brutalité, soumis à son autorité, comme des planètes éteintes tournent autour de l'astre solaire, beaucoup vont continuer à la fréquenter et à la révérer. Ainsi, madame Goisneau va mettre sa belle-famille au pas, mais... C'est là que le bât blesse.
A travers la description du cadre de vie des Goisneau, de leur environnement, de leurs relations de voisinage, s'installe d'abord un rire jaune qui, petit à petit, fait place à un sentiment de consternation devant le fonctionnement du couple. La susceptibilité épidermique de madame Goisneau, son angoisse de perdre sa position de domination, de maitrise sur les choses et les gens, la conduit, pour imposer ses choix, à des comportements odieux, dût-elle en payer le prix par la rupture des relations et par la haine que lui retournent ceux qui la connaissent intimement.
Face à ce couple malade, l'une des filles Goisneau s'est s'enfuie comme on s'éloigne d'un objet brûlant et a tâché d'escamoter, sous d'autres identités, son appartenance à la lignée ; l'autre, qui porte toujours le nom des Goisneau, a obstinément cherché à comprendre les causes de la pathologie parentale, qui continuent largement à lui échapper, peut-être parce que la réalité a été bien cachée, ou la vérité manipulée, comme certains indices le laissent soupçonner.