Le jour où le huguenot Henri IV, faisant le saut périlleux, était passé du côté de la majorité catholique, estimant que Paris valait bien une messe, il avait imposé à cette majorité une grande nouveauté, la tolérance; par l'édit de Nantes, déclaré perpétuel et irrévocable, un traité solennel de paix avait été passé entre les catholiques et les protestants de France, sous la garantie de la parole du roi. Cet édit, grande charte de la liberté de conscience sous l'ancien régime, donnait une existence légale à la religion protestante, religion tolérée, en face du catholicisme, la religion dominante du royaume. Par cet édit, le pouvoir civil s'élevait au-dessus des partis religieux, posant des limites qu'il ne leur était plus permis de franchir sans violer la loi de l'État. C'était là une grande nouveauté, puisque depuis bien des siècles chacun des princes catholiques de l'Europe disait à ses sujets: crois ce que je crois, ou meurs, massacrait, envoyait au gibet ou au bûcher ceux que l'Église lui dénonçait comme hérétiques. Ces princes n'étaient que les dociles exécuteurs des hautes oeuvres de cette Église intolérante, qui fait aux princes chrétiens un devoir de fermer la bouche à l'erreur, et, parlant des hérétiques, dit, par l'organe du doux Fénelon: il faut écraser les loups! Bossuet, lui-même, affirme ainsi le droit des princes, à forcer leurs sujets au vrai culte, et à punir ceux qui résistent aux moyens violents de conversion: «En quel endroit des écritures, dit-il, les schismatiques et les hérétiques sont-ils exceptés du nombre de ces malfaiteurs, contre lesquels saint Paul dit que Dieu même a armé les princes? Le prince doit employer son autorité à détruire les fausses religions; il est ministre de Dieu, ce n'est pas en vain qu'il porte l'épée.»