En l'année 1572, à environ trois lieues de Paris, à proximité de la route de Longjumeau, existait une petite maison isolée, de rustique apparence ; on l'appelait la Ferme aux oies ; un grand dogue, répondant au nom de Fifi, en gardait les abords. Au premier coup d'œil, on reconnaissait une habitation essentiellement champêtre, mais le visiteur admis à pénétrer dans l'intérieur pouvait facilement voir, aux petits détails de la tenue et de l'ameublement, que les habitants, quoique simples, avaient apporté dans cette demeure solitaire quelques-unes des habitudes urbaines et les restes d'une ancienne opulence.
C'est là qu'habitait un vieux gentilhomme huguenot, M. de Richardon, avec sa fille Mathilde ; il était originaire du Languedoc, avait été jadis riche et considéré ; ayant embrassé la Réforme, il avait joué un rôle actif dans toutes les luttes que les religionnaires eurent à supporter pour défendre leur foi ; il s'était vaillamment servi de son épée sur les champs de bataille ; mais les persécutions continuelles dont il fut l'objet avaient affaibli sa santé et anéanti presque entièrement sa fortune. Dégoûté des intrigues et des luttes, blessé à la bataille de Moncontour, il était venu se réfugier dans cette demeure, seul débris de son ancienne prospérité.