Olivier étant menacé d'avoir la tête fendue
d'un coup de sabre, Félix se mit machinalement au-devant du coup, et
en resta balafré. On prétend qu'il était fier de ce?e blessure : pour moi, je
n'en crois rien. À Hastenbeck, Olivier avait retiré Félix d'entre la foule des
morts où il était demeuré. ?and on les interrogeait, ils parlaient quelquefois
des secours qu'ils avaient reçus l'un de l'autre, jamais de ceux qu'ils
avaient rendus l'un à l'autre. Olivier disait de Félix, Félix disait d'Olivier ;
mais ils ne se louaient pas. Au bout de quelque temps de séjour au pays,
ils aimèrent, et le hasard voulut que ce fût la même fille. Il n'y eut entre
eux aucune rivalité ; le premier qui s'aperçut de la passion de son ami, se
retira. Ce fut Félix. Olivier épousa ; et Félix, dégoûté de la vie sans savoir
pourquoi, se précipita dans toutes sortes de métiers dangereux ; le dernier
fut de se faire contrebandier. Vous n'ignorez pas, petit frère, qu'il y
a quatre tribunaux en France, Caen, Reims, Valence et Toulouse, où les
contrebandiers sont jugés ; et que le plus sévère des quatre, c'est celui de
Reims, où préside un nommé Coleau, l'âme la plus féroce que la nature
ait encore formée. Félix fut pris les armes à la main, conduit devant le terrible
Coleau, et condamné à mort, comme cinq cents autres qui l'avaient
précédé. Olivier apprit le sort de Félix. Une nuit, il se lève d'à côté de sa
femme, et sans lui rien dire, il s'en va à Reims...