Les fées, Contes des Contes

UN Roy eut une fille belle en toute perfection ; elle devint amoureuse d'un brave Cavalier, fils d'un Ray, ennemi de son père : & comme elle jugea bien qu'une telle inclination ne serait pas approuvée, elle la cacha soigneusement, & résolut d'épouser son Amant en secret.

Bientôt après elle se trouva grasse ; elle craignit la fureur du Ray & pour elle & pour son enfant. Elle feignit d'être indisposée, & véritablement elle l'était : mais elle supposa un autre mal. Elle se tenait enfermée dans son appartement, se laissant peu vair, & allant avec une seule Confidente se promener dans son jardin, au pied duquel était une belle rivière.

La Princesse était fart en peine du sain de l'enfant qui naîtrait ; elle n'en voulut confier la destinée à personne, & elle résolut de l'abandonné aux Dieux.

Elle donna la naissance à un Prince plus beau que l'Amour ; & après avoir arrasé son visage de ses larmes, la nécessité la farçant, elle le fit mettre bien proprement dans un Berceau de bais de la Chine du plus beau lac du mande : elle orna ce cher Enfant de joyau & de langes précieux, & commanda à sa Confidente de l'exposer sur la rivière.

Cette rivière se jetait dans la mer. Le Berceau y fut parté avec rapidité, & il s'arrêta heureusement dans les filets d'un Pêcheur, qui surpris & ravi d'une rencontre si miraculeuse, accueillit ce bel Enfant, le fit nourrir par sa femme & s'enrichit de ses dépouilles.

Il nomma ce Prince Miracle, & l'éleva avec beaucoup de sain, mais selon la grossièreté de la profession.

Il devint grand, fi bien formé, & si beau, qu'il méritait d'avoir un autre théâtre que les bords de la mer, & un autre exercice que celui de Pêcheur.

Il était incessamment avec ses filets ou avec sa ligne & ses hameçons : mais il partait des yeux bien plus capables de prendre des cœurs, que tout ce qu'il employait pour prendre des paissons.

Il approchait de sa vingtième année, & ne connaissant que son métier, un instinct naturel luy faisait imaginer qu'il y avait quelque chose de meilleur à faire pour luy ; quand un matin qu'il avait toute sa pêche étalée au bard de la mer, il eut assez d'appétit pour vouloir déjeûner de quelques huîtres qu'il avait prises.

Elles étaient excellentes en ces quartiers-là, & il s'en faut bien que celles d'Angleterre ayent un gout si exquis. Le Prince en mangea raisonnablement ; & en prenant une plus grande que les autres, comme il l'eut dans sa main, & qu'il partait le couteau, elle s'entr'ouvrir d'elle-même, & il en sortit une voix qui le fit trembler. Eh, man pauvre Miracle, luy disait cette voix, ne m'ouvre pas, ne me détruis point, respectes man écaille qui est si belle & si palie !

Le Prince s'effraya, & il pensa laisser tomber l'huître. Ne vous étonnez pas, luy dit-elle, conservez-moi la vie, & donnez-moi la liberté ; rentrez dans votre barque, & vaguez auprès de ce grand rocher qui est à deux cents pas d'icy, j'y fais ma demeure, je veux que vous m'y remettiez, je vous promets une belle récompense.

Miracle était humain, il sauta légèrement dans son petit vaisseau, tenant toujours l'huître merveilleuse. Mais qui vous a donné la faculté de la parole, luy dit-il ? Enfin man fils, reprit-elle, ce sant de grandes merveilles, il ne vous importe de les savoir ; qu'il vous suffise que je vous rende dans peu un homme incomparable : je ne vous demande que quinze jours, pendant lesquels vous me viendrez vair. Vous êtes beau à charmer, vous avez la taille d'un Heras. Je vous apprendrai toutes les sciences qu'un grand Prince doit savoir. Vous êtes Prince aussi, ne croyez pas être le fils d'un misérable Pêcheur ; aussi vous veux-je rendre digne de régner, & vous régnerez si vous vous abandonner à ma conduite : posez-moi là, voilà man Palais. Adieu, jeune Miracle, jusqu'à demain.

An peut croire que Miracle fut bien surpris de ta

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