Extrait : J'ai élevé dans son cœur une statue que je ne voudrais jamais briser ; quelle douleur pour elle si je me rendais coupable d'une action qui m'avilît à ses yeux ! N'est-il pas vrai que vous m'aimeriez mieux mort que méchant ? Aimez-moi donc toujours afin que je craigne toujours le vice. Continuez de me soutenir dans le chemin de la bonté. Qu'il est doux d'ouvrir ses bras quand c'est pour y recevoir et pour y serrer un homme de bien ! c'est cette idée qui consacre les caresses : qu'est-ce que les caresses de deux amants, lorsqu'elles ne peuvent être l'expression du cas infini qu'ils font d'eux-mêmes ? Qu'il y a de petitesse et de misère dans les transports des amants ordinaires ! qu'il y a de charmes, d'élévation et d'énergie dans nos embrassements ! Venez, ma chère Sophie, venez ; je sens mon cœur échauffé. Cet attendrissement qui vous embellit va paraître sur ce visage. Il y est. Ah ! que n'êtes-vous à côté de moi pour en jouir ! Si vous me voyiez dans ce moment que vous seriez heureuse ! que ces yeux qui se mouillent, que ces regards, que toute cette physionomie serait à votre gré ! et pourquoi s'opiniâtrent-ils à troubler deux êtres dont le ciel se plaisait à contempler le bonheur ? ils ne savent pas tout le mal qu'ils font ; il faut leur pardonner. Je ne vous verrai point ce matin. Je ne trouverai point M. Petit chez lui, et je suis arrêté chez moi par M. de Ximènes. J'ai passé la nuit à lire sa tragédie, dont j'ai fait un extrait pour Grimm. J'irai ce soir à la comédie nouvelle, et c'est encore pour lui que j'irai. Les trois belles âmes que la vôtre, la sienne et la mienne ! s'il m'en manquait une des deux, qui est-ce qui remplirait ce vide terrible ? Vivez tous deux, si vous ne voulez pas que je sois un jour la voix qui crie dans le désert.