Pendant qu'il rêvait, une tête de jeune garçon, presque de jeune
homme, se montra par-dessus le mur en pente du jardin qui dégringolait
le long du coteau.
Breuil ! dit la voix qui appartenait à ce?e tête, vous avez l'air
d'Adam à la porte du Paradis terrestre.
Tu n'as pas l'air d'un archange, toi ! riposta Louis en se retournant
avec vivacité.
Mais c'est que je n'ai pas la moindre intention de vous empêcher
d'entrer ! Voyez plutôt, je vous ouvre la porte !
Breuil franchit le seuil, referma la petite grille derrière lui, et suivit
son jeune ami, qui, tout en lui parlant avec gaieté, l'emmenait vers un
groupe assis sous la tonnelle.
Toute la famille était là : M. et Mme Sérent ; leur fille aînée Pauline,
mariée depuis trois ou quatre ans ; leur second enfant Gaston, qui venait
de se faire recevoir avocat et qui se reposait de ses travaux passés allongé
sur le fin gravier. Marine, qui venait ensuite, dans la fleur de ses dixneuf
ans, versait le café fumant dans les tasses au moment où son jeune
frère Daniel, le dernier-né, amena l'hôte qu'il avait introduit. La cafetière
oscilla légèrement dans la main délicate qui la tenait et versa quelques
gou?es sur le bord d'une soucoupe.
Monsieur Breuil ! fit M. Sérent avec sa rondeur de manières habituelles,
soyez le bienvenu. Vous n'êtes point venu hier. Rien de fâcheux,
j'espère ?
Absolument rien, cher monsieur, répondit le jeune homme après
avoir salué à la ronde ; je m'étais mis en route pour venir, et puis je ne
sais pourquoi j'ai rebroussé chemin Je me suis dit qu'après tout c'était
fort indiscret à moi de vous infliger ainsi ma société tous les soirs sans
vous faire grâce d'un jour, et