Mais vous ne me blâmez pas, mère ?
Madame Béruel hésita un instant.
Non, dit-elle enfin, comme à regret. Il y a des hommes plus mauvais
Max peut encore changer ; il est jeune Et puis tu l'aimes ; il n'y a
rien à y faire.
Le silence régna dans la chambre. Soudain un nuage obscurcit le soleil
qui entrait à flots par les fenêtres, et tout devint sombre autour des deux
femmes qui se tenaient encore enlacées.
Souviens-toi, répéta la mère, que le mariage est éternel, indissoluble.
Un coup de sonne?e retentit ; elles se séparèrent avec un sursaut.
C'est lui ! fit Lucie en se levant à demi.
Va, ma fille, donne-lui ma réponse toi-même, dit la mère en lui serrant
la main.
La jeune fille passa dans la pièce voisine, et madame Béruel, avant de
l'y rejoindre, resta un instant immobile, absorbée dans sa pensée et dans
ses souvenirs. Tant de larmes lui montaient du coeur aux yeux à ce?e minute
solennelle, qu'elle ne pouvait se décider à contempler le jeune bonheur
qui se préparait auprès d'elle. Enfin, faisant appel à tout son courage,
elle entra dans le salon voisin.
Les fiancés étaient debout, au milieu de la vaste pièce, et se tenaient
la main. Max souriait et semblait plaisanter la jeune fille sur sa mine sérieuse
; mais elle l'écoutait la tête baissée avec une vague inquiétude, se
demandant pourquoi il n'était pas, ainsi qu'elle-même, plein d'une émotion
presque religieuse, à ce moment qui liait leurs deux existences.
Je vous remercie, madame, dit le jeune homme en voyant entrer la
mère de Lucie ; vous voulez bien me donner le cher trésor que je convoitais
Il prit la main de madame Béruel, la réunit à celle de la jeune fille et les
baisa toutes les deux l'une après l'autre, avec un respect et une tendresse
chevaleresques.