Aujourd'hui que chaque pays reconstitue son trésor de contes et de
légendes, il est visible que ces récits qu'on trouve partout, et qui partout
sont les mêmes, remontent à la plus haute antiquité. La pièce la plus
curieuse que nous aient livrée les papyrus égyptiens, grâce à mon savant
confrère, M. de Rougé, c'est un conte qui rappelle l'aventure de Joseph.
?'est-ce que l'Odyssée, sinon le recueil des fables qui charmaient
la Grèce au berceau ? Pourquoi Hérodote est-il à la fois le plus exact des
voyageurs et le moins sûr des historiens, sinon parce qu'à l'exposé sincère
de tout ce qu'il a vu, il mêle sans cesse les merveilles qu'on lui a
contées ? La louve de Romulus, la fontaine d'Égérie, l'enfance de Servius
Tullius, les pavots de Tarquin, la folie de Brutus, autant de légendes qui
ont séduit la crédulité des Romains. Le monde a eu son enfance, que nous
appelons faussement l'antiquité ; c'est alors que l'esprit humain a créé ces
récits qui édifiaient les plus sages et qui, aujourd'hui que l'humanité est
vieille, n'amusent plus que les enfants...