Il vit d'abord un gros chat, qui le saisit dans sa gueule, et dès sa première heure de vie libre, hors du nid, il se crut perdu sans rémission.
Mais, qui le croirait ? Minet n'avait que de bonnes intentions à l'égard de Pierrot ! Il ne le croqua point, ne serra point ses dents aiguës plus qu'il ne le fallait pour transporter délicatement l'oisillon aux pieds d'Élise, sa jeune maîtresse, qui s'écria, stupéfaite :
Que m'apportes-tu là, Tigré ? un oiseau vivant !
Disons que Tigré ne connaissait pas cette fringale qui fait dévorer force souris et guetter traîtreusement les oiseaux aux chats qui n'appartiennent à personne ou à ceux que l'on affame pour en faire de bons chasseurs de la gent trotte-menu. Un moineau eût été un fin morceau pour un chat de cette espèce. Tigré était très bien élevé et très bien nourri. Il ne faisait dans les greniers et sur les toits que des promenades de pur agrément.....
Le grand voyage d'un petit chat raconté par lui-même
Me voici arrivé, enfin ! et sur les genoux de mes deux petites maîtresses, qui tour à tour me prennent et me caressent de leurs douces mains. On dirait qu'elles veulent me faire oublier toutes mes peines. Elles n'y parviendront pas. J'en ai trop gros sur le cœur. Cependant je recommence à faire mon ron ron, et à me sentir tout à fait confortable.
Bien que je ne sois pas un chat anglais, Pussy est mon nom. Quoique je préfère de beaucoup celui de Minet, il n'y a pas à discuter là-dessus. C'est une mode à présent de parler toutes les langues à la fois, à vous en casser la tête. Elles sont pourtant de belles et bonnes petites Françaises, les deux sœurs auxquelles j'appartiens. L'aînée s'appelle Doucette, la seconde Follette. Ce sont des surnoms, bien entendu, qui cachent leurs noms véritables, mais qui leur conviennent joliment bien !.....
Les trois barques
Trois petits garçons, trois bateaux. Une jolie rivière transparente descendant en pente douce dans la vallée. Sa source jaillit d'une grotte de la montagne.
À l'endroit où jouent les enfants, ses eaux s'étalent en un petit lac. Le lac est agité, les vagues dansent et ricochent sur les cailloux polis qu'elles ont amenés avec elles, de bien haut et de bien loin.
Ces bateaux sont très petits. Ils représentent des chaloupes, de celles qu'on attache au flanc des grands navires. Dans chacune d'elles se trouvent deux marins en vareuse bleue, qui n'ont pas encore vu la mer.
Ils en font la connaissance en ce moment même, car les enfants, vrais magiciens pour tout transformer à leur fantaisie, veulent aujourd'hui que cette rivière qui se déroule comme un ruban argenté au milieu des prés, dans cette vallée du Jura, et la petite anse tranquille qu'elle forme à leurs pieds se nomment l'Océan Atlantique. Deux de ces joujoux tout neufs, apportés par leur grand-père d'un bazar de Paris, doivent figurer les caravelles du grand Christophe Colomb......
Le ouistit
Pauvre petit ami ! La peine et le souci qu'il me donne m'attachent à lui chaque jour davantage. Cependant mes soins ne font que prolonger pour très peu de temps une vie trop fragile. Toute ma récompense, pour avoir sauvé cette petite bête de l'abandon et de la mort prochaine, sera le chagrin de la voir languir, puis mourir aux premières gelées d'hiver. Elle est la victime d'une fantaisie qui l'a prise à son pays natal, à son chaud climat. C'était si joli à rapporter de là-bas comme une curiosité.
Une curiosité ! c'en est une grande, si minuscule que soit mon singe. À tous les enfants de ma connaissance, à tous ceux que je rencontre, je voudrais montrer cette mignonne créature, et m'amuser de leurs regards étonnés. La petite Lina, la fille du papetier d'à côté, qui me monte tous les matins le Petit Journal, en a-t-elle ouvert les yeux, le premier jour ! M