En effet, pour le voyageur qui descend le fleuve auquel Tibulle donne
l'épithète de celer, Ausone celle de praeceps, et Florus celle d'impiger ;
pour celui qui commence, depuis Montélimar, à s'apercevoir qu'il est dans
le Midi, au ton plus chaud des terrains, à l'air plus limpide, aux contours
plus arrêtés des objets ; pour celui qui passe enfin en frissonnant sous les
arches meurtrières du pont Saint-Esprit, dont chacune a son nom, afin
que l'on sache à l'instant même où un bateau se brise contre une d'elles à
quel endroit il faut porter secours ; pour qui laisse à droite Roquemaure,
où Annibal traversa le Rhône avec ses quarante éléphants ; à gauche le
château de Mornas, du haut duquel le baron des Adrets fit sauter toute une
garnison catholique ; Avignon, à l'un des détours du fleuve, se présente
tout à coup avec une magnificence vraiment royale.
Il est vrai que la seule chose qu'on aperçoive d'Avignon, au moment
où l'on perçoit Avignon, c'est son gigantesque château, palais des papes,
édifice du quatorzième siècle, seul modèle complet de l'architecture militaire
de ce?e époque, et qui est bâti sur l'emplacement où s'élevait autrefois
le temple de Diane, qui a donné son nom à la ville...