Pourtant je ne veux pas faire couler son sang ni faire de cicatrice à cette peau plus blanche que la neige et aussi lisse que l'albâtre monumental. (Il dépose son épée. ) Pourtant il faut qu'elle meure: autrement, elle en trahirait d'autres. (Montrant le flambeau.) Éteignons d'abord cette lumière, et puis... (Montrant Desdémona.) Éteignons celle-ci. Si je souffle sur toi, ministre de flamme, je puis ressusciter ta clarté première, pour peu que je me ravise... Mais, la tienne une fois éteinte, à modèle achevé de l'exquise nature, je ne sais pas où est le feu prométhéen qui pourra la rallumer ! Quand j'aurai cueilli cette rose, je ne pourrai plus lui rendre sa sève vitale: il faudra qu'elle se flétrisse ! Je veux la respirer sur la tige. (Il l'embrasse.) O haleine embaumée qui persuaderait presque à la justice de briser son glaive ! Encore un ! encore un ! (Il la couvre de baisers. ) Sois ainsi quand tu seras morte, et je vais te tuer, et je t'aimerai après... Encore un ! c'est le dernier ! Jamais chose si douce ne fut aussi fatale. Il faut que je pleure, mais ce sont des larmes cruelles. Cette douleur-là tient du ciel, elle châtie qui elle aime... Elle s'éveille !....