Il y a trois ans, l'alliance anglo-française était encore l'idée dominante de la politique européenne, celle à laquelle se rattachaient, en Angleterre comme en France, les désirs et les espérances des hommes les plus dévoués aux principes constitutionnels. En 1840, cette idée a succombé, non par la main des tories, ses vieux ennemis, mais par celle du parti qui, depuis cinquante ans, se faisait gloire d'en être le champion et le promoteur. Depuis ce temps, la France, justement offensée, s'est éloignée de l'Angleterre, et a répudié avec éclat toute tentative de rapprochement entre elle et le peuple qui l'a si indignement sacrifiée. C'est un mouvement trop légitime dans son origine, trop national dans sa tendance, pour qu'il convienne de le contrarier. Mais de ce que l'alliance anglo-française n'existe plus, de ce que l'Angleterre, aujourd'hui comme pendant tant de siècles, nous apparaît plutôt comme une rivale que comme amie, S'ensuit-il qu'on doive détourner les yeux de ce grand pays ou le juger autrement qu'avec impartialité ? C'est la marque d'une ame faible que de rabaisser, que de décrier son ennemi, au lieu de l'estimer à sa valeur et de lui rendre justice. Plus donc on croit à la rivalité permanente de la France et de l'Angleterre, plus on doit se garder, dans les deux pays, de ces sentimens honteux qui ôteraient à la lutte toute grandeur et toute générosité.