M. Royer-Collard a partout marqué son passage par une trace ineffaçable. Placé un moment dans une chaire de philosophie, il a changé la direction de l'enseignement philosophique, qui inclinait vers les doctrines du XVIIIe siècle; appelé à la tête de l'instruction publique, il a fondé l'enseignement de l'histoire, qui manquait à l'université impériale, et il a doté notre pays, désormais engagé dans la voie du gouvernement constitutionnel, d'un genre de connaissances indispensables à la science de la législation. Porté dans la carrière parlementaire par les suffrages constans de ses concitoyens, il avait réussi à faire prévaloir sa politique, qui était la difficile alliance de l'ancienne monarchie et des intérêts nouveaux de la France régénérée, alliance qui n'a été brisée que par la monarchie elle-même. M. Royer-Collard exerça cette puissante influence par une énergie que ne rebutait aucun obstacle, par le goût des entreprises difficiles, par l'amour et le talent du commandement. Dans nos jours d'incertitude où les caractères s'amollissent, où aucune volonté ne poursuit jusqu'au bout sa carrière, où la vie privée se ressent des hésitations de la vie publique, où la même indolence énerve l'action du citoyen et l'autorité du chef de famille, il y a peut-être quelque intérêt à su retracer l'image d'une volonté vigoureuse qui ne s'est jamais laissé détourner de sa route et qui a marché constamment vers son but : nul mieux que M. Royer-Collard ne saurait nous apprendre ce que la vie publique gagne à s'appuyer sur la pratique austère des devoirs de la vie privée; nul ne nous donne à contempler dans un plus parfait modèle l'inflexibilité de l'homme d'état et la majesté du père de famille. M. Royer-Collard avait pris ses grandes qualités dans la forte race dont il était issu, et qu'il importe de connaître pour comprendre cette imposante figure que nous trouvons au premier rang de la philosophie et de la politique de notre temps.