C'est non loin de Marseille, au bord des flots qui font D'étranges bas-reliefs dans le rocher profond, À Séon, sur un sol riche de terre glaise Durcissante au soleil et rouge comme braise, Que d'un tailleur de pierre est né le grand Puget.
Enfant, il contemplait le rivage, et songeait. Il regardait, ravi, les potiers sur leur roue Former du doigt un vase avec un peu de boue, Et son père tailler le bloc informe et dur, Et les galères d'or, cinglant en plein azur, Errantes de Toscane aux plages de Marseille, Baigner leurs flancs sculptés dans l'écume vermeille. Enfant, il façonnait l'argile dans ses jeux. Un aigle volant bas, par un temps orageux, Ayant un jour plané menaçant sur sa tête, Il modela, dit-on, cet oiseau de tempête. Un autre jour, il fit un bateau, qu'il sculpta. Ainsi, même en ses jeux son génie éclata, Et devers l'Italie, où le soleil se lève, Les galères souvent l'emportèrent en rêve, Jusqu'à ce qu'il suivît leur sillage brillant, Chemin de gloire et d'or vers l'aurore fuyant.
Il partit. Il vit Gène ; il vit Florence et Rome.
Que t'a dit Michel-Ange à Saint-Pierre, ô jeune homme ? Ouvrier qu'un divin souci déjà rongeait, Jeune homme qui devais être un jour le Puget, Voici ce que t'a dit Michel-Ange à Saint-Pierre : « Comme ton père et moi, fils, sois tailleur de pierre ! »
Soit. Mais ce que lui dit la mer aux vastes eaux Où plongeait l'éclatant éperon des vaisseaux, Il ne l'oublia pas non plus, l'enfant sauvage Qui passait tout un jour, couché sur le rivage, L'œil fixé sur les flots pleins des feux du soleil. Michel-Ange et la mer lui donnèrent conseil, Et firent la grandeur de son génie étrange, Car ces maîtres sont grands : la mer et Michel-Ange !