L'esprit de la politique anglaise, presque uniquement dirigée par le souci des intérêts matériels, a long-temps soulevé dans notre pays une répugnance instinctive, et c'est pour cela sans doute qu'elle nous a été jusqu'à ce jour si peu connue ; mais nous commençons à nous guérir d'une maladroite antipathie dont nos propres intérêts ont trop souffert. Depuis qu'elle a mis la main elle-même à la conduite de ses affaires, la France a mieux su apprécier la valeur des moyens à l'aide desquels l'Angleterre a conquis l'imposante situation qu'elle occupe dans le monde. Le mot de Napoléon : « les Anglais sont une nation de boutiquiers, » ne serait plus aujourd'hui une injure, grace à notre expérience mûrissante et à ce juste sentiment d'admiration que les grandes choses de tout ordre obtiennent si naturellement de notre caractère national. En effet, la politique qui a formé en Amérique un des plus puissans états de la terre, qui peuple les immensités de l'Océanie, et semble appelée à renouveler le vieux monde asiatique, n'exerce pas apparemment une action médiocre sur les destinées de l'humanité ; quel qu'en soit le mobile, elle n'est certainement pas à mépriser, et en présence des résultats qu'elle a produits, on est forcé de reconnaître qu'avec de l'industrie et du commerce, et, si l'on veut, pour des intérêts de boutique, on peut travailler à des œuvres d'une réelle et durable grandeur. Au point de vue des idées vers lesquelles la portent ses inclinations les plus généreuses, la France a donc raison de s'informer avec une curiosité persévérante des procédés de la politique anglaise.