L'empire du Maroc se trouve engagé dans un de ces conflits qui l'agitent tous les dix ou quinze ans, et font mettre en doute non-seulement la possibilité d'une paix soutenue avec cet état barbare, mais le maintien même de son existence indépendante. Ces deux problèmes, dont l'un s'applique au présent et l'autre à l'avenir, sont intimement liés, car du sort final réservé au royaume africain dépend la marche à suivre en présence des différends de chaque jour. Si le Maroc doit bientôt s'abîmer dans l'anarchie qui, au dire de certains observateurs, mine partout l'islamisme, on peut ne pas trop craindre de précipiter la crise, et raisonner à ce sujet comme, il y a quelques années, l'empereur Nicolas à l'endroit de la Turquie. Le Maroc est-il au contraire assez vivace pour s'élever, de progrès en progrès, à prendre rang et voix dans l'assemblée des peuples civilisés : la sagesse conseille de réprimer ses torts avec fermeté, comme la France l'a fait en 1844, mais en même temps aussi de pousser avec énergie ses princes et ses peuples vers une transformation nécessaire. Telle est l'opinion de ceux qui ne croient pas les sociétés musulmanes menacées d'une fin immédiate, et qui, tout en reconnaissant les vices dont elles sont rongées, à l'exemple d'ailleurs des sociétés chrétiennes, jugent moins difficile de les améliorer que de les supprimer.