''Peut-être qu'une partie de cette gentillesse me vient d'eux parce qu'ils admirent aussi mon voyage. Mais c'est sans doute également parce que je dois leur paraître vulnérable, me promenant ainsi sur la planète, sans maison, sans travail, sans tout ce qui définit habituellement une personne, avec mon vélo pour toute possession. En équilibre sur mon projet, comme un funambule sur sa corde, qui est tendue entre le souvenir d'un chez moi, chaque jour plus loin, et l'idée d'un point, au bout du monde, qui est si loin que je n'ose pas encore le nommer. Une corde comme celle-là peut casser facilement. C'est vrai qu'il doit paraître fou, mon voyage. Mais et je m'inclus absolument dans cela nous ne réalisons pas vraiment comment nos voisins, nos amis, nos proches peuvent être en train de faire le plus difficile des voyages intérieurs alors même que nous parlons de la pluie et du beau temps avec eux à côté de la machine à café, durant notre routine quotidienne. Mon voyage sur un vélo est assez évident, parce qu'il est physique et que vous pouvez le tracer sur une carte. Mais, à l'intérieur, nous passons certainement sur beaucoup de chemins de terre, de routes condamnées, de routes en construction, de chemins montagneux au bord de falaises, de routes inondées, sans nom, perdues et sans fin. Nous rencontrons des culs-de-sac, restons pris dans des ronds-points. La nuit, notre esprit conduit parfois sans relâche alors que nous dormons. Nous nous réveillons alors dans des lieux étranges sans savoir comment nous y sommes parvenus.''