Aussi, quand je laisse de côté ma mémoire pour me réfugier dans mon
coeur, j'y retrouve comme en un tabernacle sacré, tous les souvenirs intimes
qui se sont échappés un à un de ma vie, comme gou?e à gou?e
filtre l'eau par les fissures d'un vase ; dans le coeur, pas de crépuscule se
faisant de plus en plus sombre, mais une aube se faisant de plus en plus
éclatante. La mémoire tend à l'obscurité, c'est-à-dire au néant ; le coeur
tend à la lumière, c'est-à-dire à Dieu.
Enfin, elle est là, ce?e petite maison, enfermée par un mur gris, derrière
lequel elle se cache à moitié, en vente à ce qu'on me dit, près d'échapper
aux mains hospitalières qui m'en ont ouvert les portes, hélas !
Laissez-moi vous dire comment j'y suis entré ; cela nous mène, par
un détour je le sais bien, à l'histoire que je vous raconte ; mais n'importe ;
suivez-moi, nous causerons pendant la route, et je tâcherai que la route
vous paraisse moins longue qu'elle n'est en réalité...