Les doléances sur l'épuisement des auteurs et sur la satiété du public sont passées en habitude. Il ne faut pas dissimuler le mal ; il ne faut pas non plus l'exagérer. La presse, dont la fonction est d'alimenter l'esprit public, répond à un besoin trop naturel, trop irrésistible, pour que la société puisse jamais s'y soustraire. Mais le goût des lecteurs change souvent, et chaque révolution littéraire fait des victimes. Lorsque la vogue a pris possession d'un des coins du vaste domaine des arts, la troupe servile des imitateurs s'y porte en foule : la spéculation s'y évertue jusqu'à ce qu'elle ait atteint le ridicule. Alors le public, long-temps ébloui, se laisse aller au désenchantement, et en traverse rapidement toutes les phases, depuis la fatigue jusqu'à la répulsion. A un engouement puéril succède une sévérité souvent excessive.