Le dimanche 5 juin 1831, à cinq heures du soir, le double amphithéâtre et les loges de la place des Taureaux d'Aranjuez, étaient garnis d'une innombrable foule, attendant avec impatience le commencement de la course.
C'était une magnifique et dévorante journée d'été. L'immense multitude entassée dans le cirque, y entassait une double chaleur ; l'air était épais et brûlant, on ne respirait que du feu.
Cependant, bien que le soleil encore dans toute sa force frappât d'aplomb sur une moitié du tendido[1], toutes ces têtes de la foule qui remplissait las gradas de sol[2], se laissaient stoïquement brûler ; pas une place n'était désertée pas une vacante.
Il est bon de savoir que l'entreprise des courses de taureaux est concédée au profit des hospices. Or les hospices dépensent annuellement le produit de ces courses à soigner et guérir, s'il y a lieu, les aficionados[3] du tendido, qui gagnent au soleil des fièvres cérébrales, des maladies inflammatoires.
Voyez l'habile combinaison !
Ce jour-là, le roi, la reine et les infants devaient assister à la course. La loge royale était préparée et tendue de draperies rouges à franges d'or.
Pour commencer, on attendait donc le roi, qui devait commander la place. C'était d'un excellent augure pour les amateurs, car le roi étant lui-même amateur éclairé, on était sûr que la course serait parfaitement dirigée.
Une course de taureau a quelques rapports avec une assemblée délibérante, en ce sens qu'il n'est pas moins important qu'elle soit habilement conduite et présidée.
[1] L'amphithéâtre découvert où se place le peuple.