Comme je passais sur la place de Santa-Cruz, à Madrid, devant la Carcel de Corte[1], le lundi 4 juillet 18.., vers les dix heures du matin, je remarquai que beaucoup de personnes montaient avec précipitation le grand escalier de la cour des Alcades. Présumant bien que quelque cause intéressante s'y plaidait ce jour-là, je résolus d'y assister ; en ma double qualité de curieux et d'étranger, je ne pouvais vraiment d'ailleurs m'en dispenser. Je me hâtai donc de monter aussi à la cour, et suivant la foule, j'entrai avec elle dans la salle d'audience.
La séance venait d'être ouverte par le gobernador[2]. Cinq alcades siégeaient en robes noises.
J'aperçus de loin l'accusé. Il portait l'habit de calesero[3]. C'était un jeune homme de vingt à vingt-deux ans ; il avait de grands yeux bleus, et de longs cheveux blonds bouclés. Je fus frappé de l'expression douce et triste de sa belle figure, et je m'intéressai d'abord vivement à lui.
Le relator[4] se leva, et exposa l'affaire en peu de mots. José Guzman (l'accusé se nommait ainsi) avait été surpris en flagrant délit et arrêté, le mois précédent, encore muni d'une somme de vingt réaux[5], qu'il venait de voler dans une chambre fermée dont il avait forcé la porte. Le fait résultait de l'instruction, constant et irrécusable.
L'avocat de l'accusé parla à son tour, environ un quart d'heure, sans trop d'emphase ni de prétention, avec plus de convenance et de simplicité qu'i1 n'appartient, d'ordinaire à un avocat.
[1] La Carcel de Corte est un vaste édifice dans lequel se trouvent réunies la prison et la cour des Alcades.