Les hasards de la carrière diplomatique mont amené à Rome, une première fois après la guerre d'Italie, comme secrétaire de notre ambassade, sous le pontificat de Pie IX, une seconde fois comme ambassadeur, peu de temps après l'avènement du pape ; Léon XIII. Ces deux périodes de ma vie ne se sont pas effacées de ma mémoire et me sont demeurées très chères. La seconde surtout m'a mis en rapports directs et fréquens avec un des pontifes les plus éminens qui soient montés sur la chaire de saint Pierre. Les débuts de son règne offrent un intérêt particulier. La suite n'a été que le développement et la continuation îles pensées primitives. Il m'a semblé, dès lors, que rappeler les souvenirs de ces deux premières années, dont je fus le témoin, comme représentant de mon pays, offrirait quelque intérêt et me permettrait, en même temps, de rendre un hommage public au Saint-Père, qui daignerait peut-être l'agréer. Les faits d'une authenticité indiscutable cités dans ce récit, seront la meilleure preuve des bons rapports qui ont régné pendant cette période entre la France et le Saint-Siège et se sont conservés jusqu'à présent à peu près intacts, malgré la difficulté des temps. Ils ne pourront, par suite, que développer et affermir les sentimens de respectueuse sympathie que la très grande majorité des Français a voués au pape Léon XIII. Je serais heureux d'être, pour un moment encore, leur interprète autorisé et fidèle, au commencement du nouveau siècle qui s'ouvre aujourd'hui dans l'histoire. J'ajouterai que, même après vingt ans d'intervalle, j'ai évité de toucher à une ou deux questions particulièrement délicates et sur lesquelles la réserve s'impose encore aujourd'hui. Je crois donc pouvoir, sans crainte, livrer ces notes à la publicité et espérer des lecteurs de la Revue l'accueil favorable qu'ils ont bien voulu faire à celles que je leur ai données, il y a cinq ans, sur mes missions en Russie et en Allemagne pendant et après la guerre de 1870.
I
J'étais ministre à Bruxelles, fort satisfait d'y être et ne pensant à aucun autre poste, lorsque, le 21 mars 1878, je reçus un télégramme chiffré, suivi d'une lettre particulière » de M. Waddington, ministre des Affaires étrangères dans le cabinet présidé ; par M. Dufaure. Il m'offrait de me proposer au maréchal de Mac-Mahon comme ambassadeur auprès de Léon XIII, qui venait d'être élevé au souverain pontificat.