Extrait: Dans une maison de la rue Bourbon-Villeneuve, au troisième étage, vivaient, il y aura bientôt huit ans, une mère et sa fille, toutes deux sans fortune, mais non tout-à-fait pauvres. Veuve d'un officier de l'ancienne armée, madame Drouart avait obtenu du gouvernement d'alors un bureau de papier timbré, à l'aide duquel il lui était possible de fournir aux premières nécessités de la vie. D'ailleurs, le temps qu'elle ne passait pas au guichet de son bureau, elle l'employait, quoique infirme et déjà vieille, à des ouvrages de femme que lui donnaient à faire quelques généreuses personnes, ses protectrices. Le prix de ces travaux d'aiguille, joint à six cents francs environ, revenu du bureau de timbre, suffisait, comme on le pense bien, aux modestes besoins de madame Drouart, heureuse mère, si elle n'eût pas tant aimé sa fille!
L'avenir de Louise l'inquiétait; mais le présent surtout lui paraissait triste.
Louise était jeune, jolie, et la pauvre femme pleurait en voyant sa Louise, sa fille si belle, seule, inconnue, sans plaisirs, condamnée à demeurer là, rêveuse, ennuyée, devant un piano à qui elle faisait soupirer de plaintives romances. Hélas! pensait madame Drouart, si du moins j'étais riche, ma Louise aurait des amies de son âge pour rire et jouer avec elle; ma Louise aurait des dentelles au bas de ses robes; je conduirais mon enfant au bal, au spectacle; je lui ferais une vie douce; je la mènerais dans le monde; les jeunes gens l'admireraient; on lui donnerait des fêtes; je serais fière de sa beauté, et elle, ma Louise, elle serait heureuse de m'avoir pour mère!