Vous avez la fièvre, lui dit-il.
Elle retira sa main brûlante.
J'aurai eu froid au jardin, dit-elle précipitamment ; ce n'est rien.
Vous ne m'en voulez pas, René, de ce que je vous ai dit tout à l'heure ?
Moi, vous en vouloir de ce que vous êtes la meilleure et la plus noble
des femmes ? de ce que vous avez besoin de dévouement et de sacrifice,
comme les autres ont besoin de parures et de plaisirs ? Ah ! Valentine,
je me demande comment vous avez pu m'aimer, moi qui ne suis qu'un
enfant à côté de vous ! ?e serais-je sans vous ?
Un être bon et charmant, un peu faible, mais si loyal ! dit-elle en
souriant. Tel que vous êtes, mon René, on vous aime, voilà l'essentiel !
Et la main sur la poche de son peignoir où elle avait caché la clef, elle
pensait à la le?re enfermée dans le tiroir, la le?re qui détruisait le bonheur
de sa vie.
Tous les souvenirs de notre tendresse me reviennent ce soir avec
un charme infini, continua le jeune homme en baisant l'un après l'autre
les doigts délicats de Valentine ; je ne sais pourquoi ces chers tableaux défilent
devant moi Vous souvenez-vous de ce sentier creux en Bretagne
qui descendait, descendait toujours sous une avalanche de ronces fleuries
qui nous arrêtaient au passage Il n'y avait place que pour un, vous marchiez
devant, et à toute minute vous vous retourniez en souriant C'est
là que je me suis aperçu que je vous aimais, Valentine, et c'est là que je
vous l'ai dit, quelques jours après
Elle le regarda, arrêtant à grand-peine un flot de larmes qui montait
tout à coup à ses yeux, et lui sourit avec une douceur infinie.
C'est précisément ce sourire que vous aviez sur les lèvres lorsque
vous m'avez tendu vos mains divines, ce sourire mouillé, où il y a des
larmes Vous pleurez, ma chérie ; qu'avez-vous ?