Une villegiature

UNE VILLEGIATURE
Pendant l'une de ces épidémies qui marquèrent les années 1865 et 1866, M. Lemarrois, riche propriétaire et capitaliste, abandonna Paris en hâte pour venir habiter une demeure villageoise qu'il possédait dans le pays d'Auge.
Ce n'était qu'une simple maison ; mais, par ses dimensions, elle justifiait le nom de château que les habitants du pays persistaient à lui donner. Elle l'aurait mérité tout à fait si elle eût possédé au moins une tourelle ou si les deux corps de logis, situés à ses extrémités, au lieu de faire sur sa façade un ressaut de quelques centimètres seulement, s'étaient projetés en avant en forme d'ailes. Quoi qu'il en fût, son large perron de cinq marches, son solide appareil de briques chaînées en pierre, les espaliers qui ouvraient familièrement leurs bras en éventail sur la base de sa façade, les. glycines aux molles ramures qui s'élançaient jusqu'au second étage, le lierre qui, du côté du nord, lui formait un revêtement épais sous le moiré sombre de ses larges feuilles, contribuaient à lui donner un air de confortable, rustique sans doute, mais plein de promesses avenantes et hospitalières.

SÉRAPHINE ET LÉONIE.
« Je t'ai promis, mon cher ami, de te faire le récit véridique de la première entrevue. Je commence sans préambule.
Hier, dimanche, mon oncle me mit de planton sur les marches de l'église. Elle va passer, me dit-il. Pendant qu'il me donnait cet avertissement, le bourdon paroissial sonnait midi et envoyait dans l'air des volées qui en sondaient la profondeur avec une suave harmonie.
Tu seras surpris peut-être que j'aie fait attention à cet accompagnement musical de la scène toute prosaïque, j'allais dire toute vulgaire, que j'ai à te raconter ; mais, pour être un futur notaire, on n'en est pas moins impressionnable. L'étude du droit n'a point aguerri mes nerfs bizarrement soumis à toutes sortes d'influences. Cependant, je ne voudrais pas en médire, car j'ai remarqué qu'ils sont doués d'un don prophétique incommode, mais utile. Aussi je les consulte comme mon oncle consulte son baromètre, non pas dans les mêmes occasions, mais avec une confiance aussi grande.
Celle qui allait passer, tu le devines, c'était la fille aînée de M. Lieutel, que je dois épouser en même temps que j'achète l'étude de son père. On aime assez, dans le notariat, cette manière de procéder, parce que, de ce double placement, résulte une économie de fonds.
Elle ne se fit pas attendre ; elle sortit de l'église. Son père, en lui donnant le bras, paraissait fier et heureux comme si déjà il l'eût conduite en mariée à l'autel. Elle était bien jolie. Ce qui m'a frappé tout de suite, c'est son air d'angélique douceur, mêlée à une sorte de candide majesté.

LES OISEAUX DE BERTHE
Bois-Colombes est une longue rue champêtre composée de jardinets et de petites villas, dont les façades plâtrées resplendissent au soleil. A l'extrémité de cette rue, les maisons ne sont plus régulièrement alignées que d'un seul côté. De l'autre s'étend une grande prairie, traversée par la ligne du chemin de fer de Paris à ROUEN, On cultive dans cette prairie quelques herbes fourragères et quelques plants de légumes dont le développement est activé par des engrais où dominent les débris de vieux chapeaux, de vieilles chaussures, les verres cassés et autres détritus de la vie de Paris.
Quoi qu'il en soit de ces détails peu poétiques, le paysage ne manque en ce lieu ni de pittoresque, ni de grandeur. D'un côté, l'on aperçoit l'éminence du Mont-Valérien ; de l'autre, la partie supérieure d'une ligne de côteaux qui bordent la Seine. Lorsqu'un rayon de soleil enveloppe ces sommets et fait étinceler la brume transparente qui les entoure on croirait voir une chaîne des hautes montagnes de la Suisse ou de l'Italie. C'est vraiment une sorte de mirage grandiose.
Un dimanche, vers midi, un jeune homme qui venait de descendre à la statio

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